Il a nom Salvadore VALLS. Les habitants du Plateau de
Millevaches qui ont un tant soit peu d’affinité avec le football, l’appellent « Salva »
avec une affectueuse sympathie. C’est un fils de l’Espagne, c’est aussi un
enfant du malheur, un de ces êtres que roulèrent les événements comme le sont
les galets par le flot des rivières. Nourri longtemps de cette vache enragée qui
fait souffrir, mais qui durcit les corps et forge les caractères, Salvadore
VALLS a trouvé son point d’ancrage et une existence moins sévère dans un
village de chez nous. Depuis 1942 il travaille au service de M. MAZEAU au
Niarfeix, dans la commune de Saint Merd les Oussines, non loin des célèbres
ruines du temple Gallo Romain des Cars. Son sérieux, son ardeur au travail, sa
droiture, font qu’il est considéré depuis longtemps comme membre à part entière
de la famille de son employeur.
Célibataire endurci, Salvadore ne se connait qu’une passion,
mais quelle passion : le football. Déjà avant que le fascisme ne le
chassât hors de sa terre natale, il taquinait le ballon rond dans un petit club
de la banlieue de Barcelone. Après des tribulations dont nous conterons plus
loin les détails et qui n’avaient plus rien à voir avec le sport, Salvadore
allait se faire connaître balle au pied des petits clubs du Plateau et de ses
environs. Levé tôt le dimanche matin il vaquait aux travaux de la ferme, et
après avoir avalé une bonne soupe, il sautait sur son vieux vélo et se hâtait
vers Peyrelevade, Meymac ou Bugeat participer à la rencontre de foot. Quoique d’une
nature très effacée, l’Espagnol se faisait remarquer par ses qualités sportives
dont il faut bien dire qu’elles ressortaient d’autant plus que le niveau
technique de ceux qui l’entouraient était alors assez faible.
Là où d’autres auraient songé à monnayer leur don, Salvadore
resta toujours le pur, celui qu’on citait en exemple aux têtes portées à l’enflure.
Au gré des amicales sollicitations dont il fit l’objet, il porta les maillots
de Meymac, de Peyrelevade et de Bugeat.
Partout respecté, celui qui pour tout le monde était devenu « Salva »
apparaissait encore il y a trois ans à peine, comme une manière de Poulidor du
foot… Ne le vit-on pas en effet à 50 ans figurer occasionnellement dans le onze
fanion de l’USBugeat !
La cinquantaine franchie, Salvadore Valls ne put se résoudre
à abandonner le ballon rond ! Trois années encore il figura dans la
réserve de l’USB. Et puis, à 53 ans, à l’orée de ce qui allait être sa 53ème
saison, « Salva » a annoncé sa décision de raccrocher, comme on dit.
« J’ai toujours le souffle, mais je ne démarre plus
comme autrefois. Avec mon patron qui est un ancien capitaine de l’USB je n’ai
pas raté un seul match de la coupe du monde retransmis par la télé. Je me suis
régalé, mais j’ai aussi fait des comparaisons. Alors vous comprenez, pour moi l’aventure
est terminée, et bien terminée ».
Dès qu’il fut informé de la décision de Salvadore Valls, M.
TRIGUEROS, Président de l’USB, a songé à rendre hommage à l’équipier
exemplaire. Et c’est ainsi que dimanche dernier, Salvadore Valls a été le héros
d’une fête organisée en son honneur. Sur la belle pelouse du coquet stade Alain
MIMOUN à Bugeat, devant une nombreuse assistance, vétérans de l’USB et équipe
fanion se sont affrontés, et on a pu, pour la dernière fois applaudir le vieux,
l’inusable « Salva ».
Nous l’avons dit, Salvadore Valls a connu une jeunesse difficile. Obligé de fuir l’Espagne à 18 ans, il connut les camps de concentration instaurés par le régime de Vichy à l’intention des Républicains Espagnols. Rien de comparable avec Dachau certes, mais beaucoup de misère morale et psychologique. Puis ce furent les compagnies de travail dans le Puy de Dôme et dans le Cher. Des hivers passés dans des cabanes forestières, le froid et la faim. Un mouvement de révolte et Salvadore Valls se trouvait dans un camp de discipline à Egletons. La nuit, poussés par leurs estomacs qui criaient famine, trompant la vigilance des GMR, Salvadore et ses compagnons d’infortune partaient dans la campagne à la recherche de comestibles. Huit mois à extraire la tourbe près de Saint Merd les Oussines, et c’était enfin le hâvre du Niarfeix où le brave Salvadore allait trouver tout à la fois un emploi, une famille, un pays… et le football. Bref, une situation qui ressemblait d’assez près au bonheur. Aujourd’hui se sont ajoutées l’amitié et l’estime de toute une population.
Une belle revanche sur le destin pour Salvadore Valls.
Arrêt de jeu : Pierre Triguéros suit de près l' évolution des joueurs sous l' oeil attentif du docteur Montlouis. De g. à d; : Pierre Triguéros près de la voiture sonorisée, Andreé Barnabas, Georges Mazaud, Guy Lair, Jeannot Saderne, Salva. |
André Barnabas esseulé face à la défense renforcée des rouges et jaunes. Guy Lair, Maurice Jouanneaud et Pierrot Bourg suivent l' action du bord de touche |
Le mileu de terrain des jeunes : Gérard Gonzalez, Bernard Bourg, Daniel Bourg, André Barnabas |
Alain Gonzalez face à Salva et Maurice Jouanneaud |
Jeannot Saderne s' applique pour contrôler le ballon |
Un record de France sur le stade de Bugeat |